L’arrêt du tabac
Puisque l’aide à l’arrêt du tabac grâce à l’hypnose génère souvent les mêmes interrogations, je vous propose ici quelques éléments de réponse tirés du point de vue de certains auteurs et de ma pratique :
Quelques généralités :
Tout d’abord, derrière chaque consommateur de tabac, il y a une personne, avec son Histoire singulière et un certain nombre de raisons qui font qu’il fume. Selon les cas, ces raisons peuvent être et /ou paraître très sérieuses, indispensables, dérisoires, futiles, absurdes, peu convaincantes, absentes… Souvent, quand je leur demande ce que ça leur apporte, ils me répondent : “Rien”. Mais comment expliquer qu’ils n’arrivent pas à arrêter de fumer si cela ne leur apporte vraiment rien ?
Chaque comportement permet de satisfaire en partie ou en totalité un ou plusieurs besoins, et fumer n’échappe pas à cette règle. De ce point de vue, le tabac est une sorte de solution qu’une partie de la personnalité a trouvé pour répondre à un ou plusieurs besoins à un moment de l’histoire de la personne. Au fil du temps, son rôle a pu évoluer : la grande majorité déclare avoir commencé à l’adolescence avec les copains, puis le temps passant, la cigarette est souvent décrite comme étant une bonne raison de faire une pause au travail, un régulateur de stress ou encore une récompense pour avoir bien travaillé.
Comme pour d’autres comportements qui ne sont plus souhaités, il est donc nécessaire de développer des solutions alternatives. Nous pouvons décrire le travail réalisé avec l’hypnose comme étant la recherche, le développement et le déploiement de solutions au moins aussi efficaces mais surtout plus respectueuses du corps et de la personnalité. De ce point de vue, arrêter de fumer pour se mettre à consommer de l’alcool, manger sans arrêt,… n’est pas “respectueux” du corps et n’est donc pas une solution acceptable.
Pour le travail, je distingue deux sortes d’approches :
1. Dans la majorité des cas, le tabac paraît simplement être une “mauvaise habitude” qui colle encore à la peau du consultant, et l’aider à entrer en hypnose lui permet de modifier plus facilement tout ce qui est nécessaire pour ne plus avoir besoin du tabac pour répondre à ses besoins. Lorsque cette première séance ne suffit pas, ce travail peut être complété par un travail plus spécifique, consistant à rechercher et neutraliser chaque élément encore relié au tabac et déclenchant le comportement de fumer, ou d’aller vers un travail psychothérapeutique comme évoqué ci-dessous.
2. Dans les cas où le tabac apparaît être une sorte de béquille indispensable pour conserver l’équilibre de la personnalité, il faut pouvoir développer des alternatives et créer suffisamment de stabilité pour pouvoir s’en passer sans risque pour l’équilibre psychique. Accéder à l’arrêt du tabac se rapproche alors d’une démarche psychothérapeutique.
Voici quelques exemples résumés tirés de mes consultation pouvant justifier l’approche de type psychothérapeutique :
1. Un homme d’environ 55 ans, notamment motivé par des ennuis de santé arrive à ma consultation dans le but d’arrêter de fumer ; à un moment, je lui demande :
– Comment allez-vous vous sentir une fois que vous aurez arrêté de fumer ?
– Lui : … Apaisé.
– Moi : Est-ce que ça signifie qu’une partie de vous n’est pas apaisée ?
– Lui : Oui. …… Celle qui a fait l’armée.
Il ne m’a pas parlé de ce qu’il avait pu faire ou voir à l’armée, mais il percevait clairement le fait de fumer comme étant un moyen de maintenir fermé le couvercle de la cocotte qui contenait un certain nombre de souvenirs probablement traumatiques. Ma proposition a donc été de travailler en premier lieu à apaiser les souvenirs pour pouvoir à terme se passer de la cigarette.
2. Une femme de 45 ans m’explique que sa mère est morte du tabac et qu’elle l’a accompagnée jusqu’à la fin de sa vie, que celle-ci a continué à fumer jusqu’au bout :
– Moi : Comment vous sentez-vous à l’idée de faire différemment de votre mère ?
– Elle : Pas bien ;
– Moi : Vous pensez que si cette réaction pouvait s’apaiser ça serait une bonne chose ?
– Elle : Oui.
C’est le premier élément que nous avons travaillé ensemble, parce que manifestement cette réaction émotionnelle était un premier obstacle visible dans sa démarche d’arrêt du tabac.
3. Une femme d’une quarantaine d’année m’explique qu’elle fume tantôt pour tenter d’apaiser son stress, tantôt pour se récompenser. En cours de route, elle me parle d’un viol qu’elle a subit plusieurs années auparavant. Je lui demande si elle fait un lien entre cet évènement et sa consommation de tabac. Elle me répond qu’elle ne le pense pas. En lui faisant remarquer que ce genre d’évènement est typiquement générateur de psychotraumatismes, de stress intenses et durables, et qu’il peut donc générer un contexte défavorable à l’arrêt du tabac, elle est intéressée par l’idée d’aller apaiser ces souvenirs pénibles. C’est ce que nous avons fait, puis travaillé de façon globale sur le tabac lui-même, et depuis cette séance elle n’a aux dernières nouvelles pas repris le tabac, pas plus que ne subsiste de souvenirs traumatiques en rapport avec ce viol.
Questions fréquentes :
Pourquoi est-ce que l’hypnose marcherait mieux que d’autres approches ?
Erickson disait “L’hypnose permet de recréer du choix là où la volonté n’est pas suffisante”. Qu’il s’agisse de cigarettes ou autre, bien des choses échappent à nos désirs ; il suffit de voir autour de nous combien de “bonnes résolutions du nouvel an” sont tenues, et on entend alors typiquement “j’aimerai bien arrêter, mais c’est plus fort que moi”, signant la présence intérieure d’une force plus intense que celle véhiculée par notre désir d’arrêt. L’hypnose est une approche de choix pour apprendre à composer avec ces diverses forces intérieures, notamment celles qui sont inconscientes, pour apprendre à les orienter dans des directions qui nous sont profitables et utiles.
Ca va marcher ?
Mon professeur principal de kinésithérapie avait pour habitude de dire : “barbu mais pas prophète !” ; je ne suis pas barbu et a priori pas prophète non plus ; et j’ai pour habitude de ne promettre que ce que je peux promettre. Ce qui est sûr, c’est que votre degré d’implication va largement conditionner le déroulé de la séance.
Est-ce définitif ?
Je crois que la seule façon de répondre réellement à cette question serait de la poser directement aux personnes qui ont utilisé l’hypnose pour arrêter de fumer juste avant qu’ils ne décèdent pour savoir s’ils ont un jour repris, ce qui me parait difficilement réalisable. Une question plus adaptée pourrait être “Est-ce durable ?” Et différentes réponses honnêtes peuvent être : oui chez l’un, moins chez l’autre, pas encore ou pas du tout chez un autre. Il est toujours possible de faire “une piqûre de rappel” de temps à autre pour continuer pérenniser le travail engagé.
Combien de séances me faudra-t-il ?
A moins d’être devin, c’est compliqué de répondre ; factuellement, certains y arrivent en une séance, d’autres en davantage.
Ce qui m’étonne toujours, c’est lorsque j’entends des témoignages comme : “untel a fait une séance d’hypnose pour arrêter de fumer, mais il a fini par reprendre après x temps”. Et qu’est-ce qui explique qu’ils ne reviennent pas pour travailler le ou les éléments qui ont re-déclenché ce comportement ? Ils donnent l’impression d’être dans une dualité : soit ça marche du premier coup, soit je continue à fumer. N’y a-t-il vraiment pas d’autres possibilités ? De fait, lorsqu’on examine la situation, on peut mettre en évidence un certain nombre d’éléments qui ont déclenché le comportement et qui sont autant de leviers à travailler pour permettre de faire tenir davantage les résultats. Pour l’un résoudre ou réguler des angoisses, pour l’autre améliorer la régulation des émotions en général ou du stress en particulier,….
Les résultats c’est pour quand ?
Quelque soit le motif de consultation, les résultats peuvent être immédiats ou plus ou moins différés dans le temps. Cette variabilité est vraisemblablement liée au type de motif : typiquement un travail sur des souvenirs douloureux amène des résultats très rapides, tandis qu’un travail sur la confiance en soi est souvent bien plus long parce que bien moins définit et circonscrit. L’hypnose peut être aussi décrite comme étant une façon de semer des graines dans l’esprit inconscient du consultant ; la question est de savoir à quel moment elles vont germer et quels fruits vont-elles offrir ? A côté de cela, il faut aussi prendre en compte le moment où intervient l’hypnose : au début, au milieu ou la fin du cheminement du consultant ?
Il faut être motivé ?
Avoir un minimum de motivation est indispensable, ne fut-ce que pour prendre rendez-vous. Cela dit, une partie du travail peut consister dans un premier temps à développer et intensifier la partie motivée. Ainsi, certaines personnes ayant une faible motivation initiale arrivent aussi à arrêter de fumer après une séance. Pour rejoindre tout ce qui touche à l’implication, le principe de “je m’installe, je ferme les yeux pendant que vous me racontez vos histoires et vous me réveillez quand c’est fini” n’est clairement pas la meilleure façon de vous rendre service, mais peut être une excellente façon d’aller vers l’échec !
Vais-je prendre du poids ?
Il est admis qu’arrêter de fumer est susceptible d’entraîner une prise de poids de 3-4 kg dans les mois qui suivent, par modification du fonctionnement du tube digestif. Cela signifie que ça n’est pas obligatoire, que tout le monde n’y a pas droit, qu’un kilo pris après un gueuleton n’est pas différent d’un kilo pris à une autre occasion, qu’un kilo gagné peut aussi se perdre. Il faut aussi différencier le fait de prendre 2 kg et 10 kg : dans ce type de situation, quand la personne arrête de fumer et se met à grignoter, à avoir des fringales ou à avoir un comportement hyperphagique, on est peut-être confronté à un déplacement de symptômes, phénomène qui peut également se travailler en séance.
Vais-je avoir des modifications de caractère ?
Certaines personnes observent une augmentation de leur irritabilité, anxiété, stress,…, d’autres craignent que cela arrive. Dans les deux cas, ça peut se travailler avant, pendant et/ou après la séance d’arrêt du tabac, afin de fournir un contexte favorable pour stabiliser les évolutions comportementales.
Allez-vous m’obliger à arrêter de fumer ?
Non, je n’oblige jamais à rien, et ce quelque soit le motif de consultation. Personnellement, je considère comme franchement irrespectueux, d’autant plus dans un cadre thérapeutique, de chercher à obliger qui que ce soit pour quoi que ce soit. Je suis favorable à ce que chacun retrouve à son rythme son indépendance et sa liberté face au tabac.
Et la dépendance ?
Pour le tabac, il existe 3 types de dépendances : physique, psychologique et comportementale. A priori, elles coexistent plus ou moins intensément chez chaque fumeur :
– La dépendances physique : fumer apporte de la nicotine dans le corps, et à chaque cigarette, cette substance stimule ce qu’on appelle “le circuit de la récompense”, lequel produit alors de la dopamine. Cette molécule est à l’origine de sensations de plaisir et de bien-être que nous ressentons habituellement lors des moments heureux. Le corps s’habituant à recevoir ces décharges de dopamines à chaque cigarette fumée, une sensation de manque peut se produire lors de l’arrêt du tabac. C’est le but des patchs et autres gommes à mâcher que de stimuler la production de dopamine pour accompagner cette démarche de sevrage. Cependant, certains minimisent l’importance de cette dépendance : en effet, nous avons tous déjà entendu parler d’une personne qui fumait beaucoup et qui a arrêté du jour au lendemain sans avoir aucun symptôme de manque, que ça soit avec ou sans aide.
– La dépendances psychologique : elle se définit comme étant l’incapacité d’imaginer pouvoir vivre sans le tabac ; la personne se sent obligé de fumer et sa manière de vivre est orientée vers le tabac : “il faut que j’aille acheter des clopes maintenant pour être sûr d’en avoir assez demain”, “je m’en fume une maintenant parce que tout à l’heure je n’aurais peut-être pas le temps”,…
– La dépendances comportementale : elle concerne tous les automatismes en relation avec la cigarette qui se sont créés au fil du temps ; cela va de tenir la cigarette entre ses doigts et la gestuelle de la porter à sa bouche, à toutes les associations comme la cigarette accompagnant le café ou un verre d’alcool, la cigarette et la fête, la cigarette après les repas ou en montant dans sa voiture,…
Et les substituts nicotiniques ? Et la cigarette électronique ?
Je pense que chacun peut suivre un chemin qui lui est propre pour arriver à se défaire du tabac ; pour certains ça passe aussi par les substituts nicotiniques et/ou la cigarette électronique. Et pour ceux qui ont encore des difficultés à se passer de leurs patchs, gommes et autres cigarettes électronique, il est évidemment possible de travailler à s’en séparer : la séance d’arrêt de tabac devient arrêt de Nicorette, cigarette électronique ou patch 🙂 .
Conclusion :
Réussir son sevrage tabagique, avec ou sans hypnose, avec ou sans substituts nicotiniques ou cigarette électronique, c’est donc faire évoluer tous les aspects de ces différentes dépendances présents chez soi, afin de répondre efficacement, différemment et respectueusement à nos besoins personnels. L’hypnose, quant à elle, va faciliter la résolution des dépendances comportementales et psychologiques afin de parvenir à un objectif stable dans le temps et sans conflit intérieur.
Pour les uns c’est rapide et pour d’autres moins, à chacun son rythme. J’ai revu aujourd’hui un monsieur pour une 3ème séance d’hypnose ; à notre première rencontre, il fumait 50 cigarillos par jour, soit, dixit son cardiologue, l’équivalent de 200 cigarettes par jour !!! Aujourd’hui, il m’annonce qu’il ne fume plus ! Sacrée victoire pour lui 🙂 Une belle occasion de dire que tout espoir n’est pas vain ! Et vous, vous en fumez combien ?
En vous souhaitant d’être ou de devenir un non fumeur heureux et apaisé, que ça soit à l’occasion du mois sans tabac ou pas, je vous dis : à bientôt pour un prochain article. N’hésitez pas à partager vos points de vue, et si cet article vous a plu, pensez à le liker et le partager avec vos contact . D’ici là, prenez soin de vous et de vos proches.
Cordialement,
Nathanaël MONFORT